Economie
Pêche. Alerte rouge sur le bar
19 décembre 2008
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Qu'arrive-t-il au bar ? Le poisson symbole d'une pêche responsable pratiquée dans une nature sauvage est-il en train de disparaître ? Sans vouloir le croire, les ligneurs de la pointe de Bretagne, tirent la sonnette d'alarme. Trop de précédents incitent au pessimisme. « Il y a eu une dégringolade des captures cette année. Les poissons sont étiquetés, ce qui donne des chiffres précis. Sur les quatre ou cinq dernières années, 450.000 étiquettes étaient posées annuellement. D'un seul coup, cette année on est tombé à 320.000 soit une perte de 34 % ». Gilles Bernard, secrétaire de l'association des ligneurs de la pointe de Bretagne (150 bateaux de Saint-Malo au Croisic) ne cache pas son inquiétude sur les stocks de poissons. Elle est confirmée par les statistiques des criées : en Bretagne, certaines ont enregistré des baisses de 40 % des apports en bar cette année. Gwenaël Pennarun, président de l'association des ligneurs, confirme. « La chute est brutale. Je n'ai jamais vu ça. La moitié de la flottille ne survivra pas à une deuxième année comme celle-ci ». Il y a eu peu de signes annonciateurs de cette rupture. Les scientifiques de l'Ifremer, rassurants, annonçaient des stocks en bonne santé ces dernières années.
Des explications scientifiques ?
« Le secteur de l'Iroise de la Pointe du Raz à Ouessant semble moins affecté par la dégringolade, dit Gilles Bernard. C'est là que l'on pêche les plus gros bars. Or, c'est sur les jeunes classes d'âge que la baisse est sensible. Cela pourrait donc être lié à la qualité des eaux. En Iroise, il y a beaucoup de brassage ». Des problèmes de pollution, de température de l'eau ? « Nous n'avons pas de réponses. Nous avons demandé à Ifremer une étude sérieuse qui intègre tous les paramètres. On remarque par exemple que l'espèce est aujourd'hui plus présente en Mer du Nord, sans doute à cause du réchauffement des eaux ». Dans leur quête d'explication, les pêcheurs pensent aussi aux perturbations des sonars puissants des bolincheurs. Gilles Bernard ose une autre explication : des stocks sinistrés par une pression de pêche trop forte. Globalement, les prélèvements continuent à augmenter de 10 % chaque année. « Dans ce cas, la dégradation aurait été dans un premier temps masquée par la pression de pêche, jusqu'au moment où le stock a lâché, explique Gilles Bernard. Ce fut le cas pour la daurade rose dans les années 1970. Elle a disparu en deux ans. On n'a plus vu une daurade sur le port d'Audierne jusqu'au début des années 1990. Jusqu'alors, on avait l'impression que le stock allait bien en se basant sur les apports ».
La tentation du bouc émissaire
La situation des ligneurs qui vivent quasi uniquement du bar est désastreuse. Cette année, les revenus sont divisés par deux. Mais d'autres métiers sont aussi touchés. Le bar est un complément indispensable comme capture accessoire pour les fileyeurs, les chalutiers de fond. Les ligneurs ont reconduit la période de « repos biologique » du 15 février au 15 mars 2009. « Nous souhaitons qu'elle soit respectée. Les fileyeurs ne feront pas des pêches dirigées sur le bar. Pour les bolincheurs, il n'y a pas de consignes strictes. Il en va de la conscience de chacun » souligne Gilles Bernard. Gwenaël Pennarun est moins confiant. « Nous avons des problèmes avec certains armements qui tapent dans les frayères » regrette Gwenaël Pennarun.
Longs cycles de vie
« Nous lançons un cri d'alarme, insiste Gilles Bernard. Nous connaissons des écarts de productions sur d'autres espèces comme l'anchois, le rouget, la seiche, mais elles ont des cycles de vie courts. Le bar adulte, c'est 10 à 15 ans ». On n'ose imaginer la durée d'un « repos biologique » pour reconstituer un stock exsangue.